Qui se souvient de lui ?
Je
l'ai vu parcourir les rues des villages de la vallée de la Vezouze. On
l'entendait de loin : il agitait une grosse cloche en clamant son
enseigne, presqu'en chantant sa raison commerciale :
" Peaux d'lapin, peaux,
" Chiffons , ferraille,
" Y a rien à vendre ?
Je
l'ai vu sur sa charrette, tirée par un bourricot, puis les affaires
aidant et suivant le progrès, il est passé à la camionnette. Mais
toujours en proclamant bien haut son refrain et en sonnant longuement la
cloche. Il faisait une halte pour prendre livraison d'une peau de lapin
bien sèche tendue par une baguette d'osier ou un gros fil de fer dessinant une hyperbole, explorant le sac de chiffons en l'estimant
avec un peson (1), chargeant chutes de ferraille et vieux chaudrons,
même les vieilles bouteilles vides, il en faisait son affaire. Après une
estimation rapide, il réglait en espèces son achat du jour. Puis il
reprenait son pèlerinage sonore, ponctué par la cloche, et repartait
vers d'autres lieux.
De son vrai nom : Jean JUNGEL ,il habitait à
DOMEVRE où il avait son tas de ferraille et son entrepôt de peaux de
lapin et de nombreux objets des plus divers. Le Jean la Ferraille
faisait partie du siècle dernier dans nos campagnes, à une époque où
l'on récupérait un maximum, une forme d'économie oubliée dans la période
qui a suivit : "La Société de Consommation", où l'on a vu des tas
d'objets, notamment électroménager, programmés à l'obsolescence au bout
de peu de temps. Nos ancêtres s'en sont retournés dans leur tombe !!...
NOTA: (1) PESON : Balance simplifiée composée d'un ressort et munie d'un crochet, pour mesurer le poids d'un objet.
Jean SPAITE Janvier 2016
Crédit photographique : L'image illustrant cet article provient du site cparama.com et montre une charrette de marchand de peaux de lapins tirée par un chien.