Alfred et Germaine BAJOLET : les cheminots du Tacot.

C'est après la guerre 14-18 qu'Alfred et Germaine BAJOLET sont venus à Fréménil pour la reprise du service du Tacot après les hostilités.

Pendant la période de guerre, les circulations sur le chemin de fer avaient été limitées à Bénaménil en venant de Lunéville. Depuis le 2 Août 1914, l'exploitation relevait des services militaires de la 10° section des chemins de fer de campagne. Le service restant aux voyageurs civils se limitait à un seul train de voyageurs aller-retour par semaine entre Lunéville et Bénaménil, le vendredi jour du marché à Lunéville.  En 1918, faisant suite à la stabilisation du front, l'offre des circulations voyageurs civils est augmentée puisque deux trains aller-retour quotidiens sur le parcours Lunéville-Bénaménil sont mis en service.

Rappelons que la zone de Domèvre correspondait à la ligne du front et que les Allemands avaient détruit le pont sur la Vezouze à Domèvre ainsi que le pont de Verdenal. Gardant l'exploitation uniquement à des fins militaires, les Allemands construisent en partie sur la plate-forme du LBB un chemin de fer à voie étroite de 70 cm.(alors que l'armée française utilise la voie Decauville de 60 cm.) pour approvisionner en munitions les ouvrages établis près des premières lignes. Ils reconstruisent des ponts provisoires en bois sur la Vezouze en place de ceux qu'ils avaient détruits.

Ce bref rappel des événements de la première guerre mondiale traduit aisément le mauvais état du chemin de fer LBB lors de la reprise normale du trafic, après un rétablissement total de la voie, qui n'a pu se réaliser qu'à partir du 20 Janvier 1919. La reprise totale du trafic entre Domèvre et Blamont s'est effectuée le 1er Avril 1920.

C'est donc en cette période de 1919-1920 qu'Alfred et Germaine BAJOLET prennent leurs services respectifs sur le Tacot. Lui en tant que "cantonnier-poseur" et elle comme "chefesse de gare". C'est la pleine période de la reconstruction et il y a du trafic voyageurs et marchandises. La petite gare de Fréménil, qualifiée de halte, voit une belle fréquentation de voyageurs mais aussi doit faire face à des expéditions régulières de "broderie blanche" de Mme Alice MANONVILLER de et sur Paris, ainsi que de "broderie perlée" de Mr Christian ADAM de et sur Paris. D'autre part les articles de vannerie -paniers, corbeilles en tout genre- produits localement constituent un transport non négligeable. Et si Germaine BAJOLET fait face à ses obligations commerciales avec beaucoup de gentillesse et un accueil souriant apprécié par la clientèle, Alfred, l'homme de la voie, s'active avec ses collègues de l'équipe surtout dans la zone Herbéviller-Domèvre rendue particulièrement fragile par la présence des tranchées et boyaux de toutes sortes que les Allemands avaient creusés sur la plate-forme du tacot mais aussi latéralement aux emprises sur de grandes longueurs. L'un et l'autre se consacrent à leur travail de paix au service des trains de l'LBB.

En dehors de ses activités professionnelles, Germaine se révèle une bonne cuisinière, sachant mijoter de bons petits plats, mais également une perleuse de talent, et Alfred infatigable savait jardiner, il avait acquis un terrain en face de la gare où il avait monté une "belle baraque" où il élevait poules et lapins. Il s'était révélé un très bon vannier produisant de beaux paniers en osier. Mais ce qui le passionnait, c'était la pêche dans la Vezouze toute proche. Il aimait partir en bicyclette avec ses gaules, sa "tambatte"(1) et son épuisette pour traquer carpes et brochets à la Corne de la Panne où à la Corne Fery ses endroits de prédilection. Germaine gardait la maison avec son chat au pelage blanc à taches noires qui aimait les caresses, et "la Folette" un basset trop bien nourri, devenu obèse, qui aboyait facilement. Ils vécurent leur vie de cheminot ponctuée par le passage des trains, avec la levée de la boîte aux lettres de la gare par le postier de service du dernier convoi de la journée.

La fermeture du Tacot a eu lieu fin 1942 (2). Germaine fut mise à la retraite à cette époque mais Alfred fut reversé quelque temps au sein des Ponts et Chaussées-Service de la Navigation- pour travailler au port d'Einville sur le canal de la Marne au Rhin, ce qui lui occasionnait un déplacement quotidien. En 1946, le bâtiment de la gare est vendu à la commune de Fréménil pour la somme de 18.000 Francs. Le couple BAJOLET devient maintenant locataire de la commune. La vie de nos cheminots retraités du Tacot s'est poursuivie calmement; Interrompue le 25 Juillet 1969 par le décès de Germaine (72 ans) laissant le brave Alfred profondément en chagrin. Le jardin, la pêche, les paniers ne parvenant pas à combler le vide laissé par son épouse, Alfred nous a quitté six ans plus tard le 24 Mars 1975 -(77 ans)

 Plaque_Bajolet.jpgSur leur tombe au cimetière communal une plaque nous rappelle leur passage parmi nous "Alfred et Germaine, les cheminots du Tacot".

 

L'Alfred et la Germaine, c'était dans le temps,
  Au temps du bon vieux Tacot.
  Gardons-en le souvenir.


 Nota: (1) Tambatte N.F. : Récipient en métal recevant les poissons baignant dans de l'eau, pêchés par le pêcheur.
          (2) 1er Septembre 1942 : Fin du service voyageurs
                15  Septembre 1942 : Fin du service marchandises


Jean SPAITE   Novembre 2013

P.S. Nous remercions bien sincèrement Madame Marie BAJOLET pour les renseignements et documents concernant son oncle Alfred BAJOLET.

Famille_Bajolet.jpg


 Voici un document très rare : la photographie des "cheminots du tacot" prise dans le jardin attenant à la gare de Fréménil. Nos personnages sont assis sur la margelle du puits.  A droite, Alfred BAJOLET la cigarette aux lèvres tient dans ses bras avec tendresse un chat noir et blanc.  A gauche, son épouse Germaine a un enfant sur ses genoux. Est-ce un neveu ou une niéce du couple BAJOLET ? Un de nos lecteurs apportera peut-être une réponse.

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