La voie ferrée au service de l'artillerie... ennemie

Aprés la défaite de 1870, la France est amputée de l'Alsace-Lorraine qui se trouve annexée à l'empire allemand. La France ne vit que dans la pensée de la revanche et se dote sur la frontiére d'une succession de fortifications due au général Séré de RIVIERE, le VAUBAN moderne, face à l'ennemi de l'Est.

Le fort de MANONVILLER fait partie de cette ligne fortifiée.
Edifié à partir de 1879, il sera conforté et modernisé jusqu'en 1914 en fonction des progrés réalisés dans le domaine des projectiles explosifs auxquels il doit résister. Baptisé " FORT HAXO ", il est un fort d'arrêt, en liaison avec le fort de PONT-St-VINCENT (40 Km). Sa garnison est forte de 900 hommes sous les ordres du Commandant ROCOLLE. Son armement est composé de piéces de 155 avec tourelles, 150, 80 et 22 mm. ainsi que de mitrailleuses.

        C'ETAIT  IL  Y  A 90  ANS...

Le 3 Aout 1914, la guerre est déclarée à l'Allemagne.
Aprés une percée jusqu'à MORHANGE du 14 Aout au 20 Aout, l'armée française recule rapidement. Le fort de MANONVILLER doit
barrer la route à l'envahisseur.

Le 23 Aout, l'armée allemande se regroupe hors de portée des piéces d'artillerie française et entame un feu roulant sur le fort qui riposte de tous ses feux. Les piéces allemandes de 305, 210 et 150 sont disposées à LEINTREY, GODREXON, CHAZELLES, SAINT MARTIN et BURIVILLE. Des éléments plus légers d'artillerie se trouvent en position plus avancée à VEHO,  BLEMEREY et DOMJEVIN.

Mais le 26 Aout, le fort de MANONVILLER est sous le feu redoutable de piéces d'artillerie situées à 14 Km. qui expédient des obus d'un calibre de 420 mm, pesant 950 Kg chacun et chargés de TNT aux effets dévastateurs.  Cette avalanche d'obus va durer du 23 Aout au 27 Aout. Pendant 52 heures, le fort va recevoir 17OOO projectiles dont 159 obus de 420 mm qui vont faire des dégats considérables sur son infrastructure, sur son armement et sur ses combattants. De nombreux morts, 130 à 150 cas d'asphyxie, le fort d'arrêt est contraint à la reddition le jeudi 27 Aout 1914 à 15h30.

Que s'était-il passé pour arriver à un tel résultat?

Lors de l'avance française vers MORHANGE, suivie de la retraite, les officiers du génie français avaient bien constaté l'existence d'un épi de voie ferrée, long de 1200 m à 2 voies, sur la commune de DEUSTCH-AVRICOURT, près de la côte 290, embranché sur la ligne AVRICOURT-BENESTROFF. Considérée comme une voie d'embarquement négligeable, cette installation n'a pas justifié la destruction, sous la forme d'un dynamitage facile a réaliser à ce moment. En fait, il s'agissait de la construction de deux voies destinéesà recevoir deux piéces d'artillerie lourde sur voie ferrée allemandes (ALVF) qui ont été opérationnelles dès le 26 Aout à 4h40 du matin, expédiant alors des obus de 420 mm toutes les cinq minutes, opération déterminante dans la fin du fort.

Le fort de MANONVILLER s'est néanmoins montré efficace en retardant l'avance ennemie qui a été stoppée ensuite lors de l'épisode de "La Trouée de CHARMES".

La destruction de la base d'opération de l'artillerie lourde sur voie ferrée de DEUSTCH-AVRICOURT (aujourd'hui NOUVEL-AVRICOURT, 57) aurait peut-être changé le cours des événements sur le front de Lorraine.

Comme quoi, UNE VOIE FERREE EST TOUJOURS IMPORTANTE.

Ayons une pensée pour ceux qui ont laissé leurs vies au cours de cette terrible Premiére Guerre Mondiale...

Jean SPAITE

Article paru dans "La Revue Lorraine Populaire" N° 179 - Aout 2004


NOTA:  Voir également sur le site "fréménil.com" l'article sur "Madeleine HOUDIAU" qui évoque ces journées dramatiques du bombardement allemand du fort de MANONVILLER. Il s'agit là d'un témoignage exceptionnel sur ces évênements.


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